Le Capitaine Siméon

 

Récit transcrit d'après une légende orale qui se transmet d'île en île

Installé dans son hamac entre deux cocotiers, le capitaine Siméon regardait tranquille les eaux

de son lagon. Tout était manino - paisible - : l'eau encore grise de l'aube, le ciel pâle qui s'éclairait,

les premiers oiseaux qui chantaient le matin et surtout le cœur du capitaine. Le jour qui se levait

s'annonçait sans inquiétude et tout à fait riche des bonheurs du printemps polynésien. Le capitaine

Siméon remua les orteils de son pied droit, sa bouche esquissa un bâillement, il passa son médius

gauche sur l'arête de son nez, autant de signes qui annonçaient à sa chienne Kahina, au poil brun

parsemé de noir, que le maître des lieux était sur le point de se lever : il avait faim et voulait manger

de la banane, il avait soif et voulait boire du lait de coco. Pépère qu'il était en attendant le pain coco

que devait lui livrer le boulanger chinois, il ne fit guère attention au bruit discret d'une pirogue ; depuis

quelques minutes, elle s'approchait rapidement du ponton qui s'avançait dans la baie juste devant la

maison. Kahina, la chienne, remua la queue et gronda. Le capitaine Siméon, alerté, releva puis abaissa

sa paupière gauche. " Silence, Kahina, tu vois bien que le capitaine dort encore !" Mais Kahina arrêta le

balancement de sa queue, dressa ses deux oreilles et poussa un aboiement sec : la pirogue venait d'accoster

au ponton. Le capitaine Siméon commença à agiter les orteils de son pied gauche. Qui se permettait de

troubler ainsi ce matin paisible ? Soudain un bruit léger de pas sur le ponton : décidément, impossible de

dormir tranquille. Kahina fila comme une flèche. " Capitaine ! Capitaine ! " Le capitaine Siméon se retourna

dans son hamac et put voir arriver à lui les pieds légers d'une petite vahiné à la longue tresse noire, au t-shirt

bleu et au short blanc. " Capitaine, Capitaine ! Venez vite ! " Le capitaine Siméon l'avait reconnue, c'était

Brise du Lagon, la gentille voisine." Tes frères ont été enlevés cette nuit ! " Siméon, cette fois, était tout à fait

réveillé, il sauta lestement au bas de son hamac.