La Révolte des crabes
Cet épisode et le suivant, d'après un ouvrage consultable aux Archives nationales de Tahiti
Le Capitaine Siméon se réveilla de fort méchante humeur. Il avait mal dormi. Une nuit de cauchemars :des araignées rouillées, en fer grinçant et à boulons vert de gris ; des margouillats miauleurs comme
des chats énervés ; et, surtout, des crabes. Des milliers de crabes hurleurs, de crabes géants, de crabes
pinceurs.
En fait, ce cauchemar n'était pas loin de la réalité. En cette fin octobre, le Capitaine Siméon, au leverdu jour, se trouvait devant un défi majeur : avant le coucher du soleil il devait libérer le motu de Miri-Miri
occupé par une armée de crabes en révolte. C'était là le travail du capitaine. C'était la mission que lui
avait confiée Sa Majesté le Roi de Miri-Miri, Antonin 1er, en exil sur le motu de Nao-Nao.
Tout avait commencé un mois plus tôt. Antonin 1er prenait le frais dans son hamac royal, mâchouillantun bonbon chinois *, face à Bora-Bora. Le Capitaine Siméon chef de sa garde personnelle, capitaine des
mousquetaires du Roi de Miri-Miri, jouait aux cartes avec le Prince de l'Eau et Tim le Magicien. L'attaque
avait été soudaine, brutale et pour tout dire absolument incroyable. Des dizaines de milliers de crabes étaient
sortis de leurs trous et, en quelques minutes, avaient envahi le domaine royal, grimpé aux cocotiers, investi le
palais. Pris par surprise, les mousquetaires et leur capitaine n'avaient pu résister. Le Prince de l'Eau et Tim le
Magicien avaient pu se jeter dans une pirogue Va' n°2 et gagner la côte de Raiatéa sous le feu nourri de noix
de coco lancées par les crabes enragés ; Sa Majesté avait pu s'enfuir, un crabe pinceur accroché à sa fesse
gauche ; il s'était réfugié sur le motu de Nao-Nao, à quelques kilomètres de là dans le même lagon. De là, il
avait organisé la résistance à l'envahisseur. Quant au Capitaine Siméon, il avait été le dernier à quitter Miri-Miri,
* bonbon dont la particularité est d'être salé